Critiques – L’effondrement du modèle, la révérence de la poussière

Un Obscur Scalpel pour un Monde en Déliquescence : Critique de « Collapse Of Pattern, Reverence Of Dust » de Cult Burial

Cult Burial, le duo britannique, livre avec « Collapse Of Pattern, Reverence Of Dust » un troisième album qui s’inscrit résolument dans le registre du désespoir créatif. Un disque non pas pessimiste, mais profondément contemplatif de l’érosion des structures, de la certitude et du sens, un constat brutalement honnête face à l’absurdité du monde.

Cet album, parsemé de titres aussi sombres que « Vincula » et « Collapse », transcende les catégories habituelles du métal extrême. Le mariage complexe de death, black et doom metal, si prometteur sur les précédents opus, s’affirme ici avec une maturité fascinante. L’œuvre ressemble à des réinterprétations brutalistes de tableaux de Jérôme Bosch, imprégnés de la dégradation industrielle et des horreurs obscures du subconscient collectif.

Simon Langford, le moteur créatif du groupe, exploite la puissance brute des riffs agressifs, comparables à des scalpels rouillés, conjugués à des rythmes percutants. Les percussions, aussi implacables que des articulations se brisant, se marient à merveille à la voix de César Moreira, dans une symbiose qui renforce l’atmosphère oppressive. Le métissage musical est réussi, et l’on voyage entre des moments de fougue extrême, à l’image de « Vincula » et « Collapse », et des atmosphères hypnotiques, quasi-industrielles, créant une dissonance fascinante.

« Aether », morceau emblématique de l’album, illustre cette dualité. Partis d’une ambiance suffocante, les musiciens déclenchent des explosions de fureur, se laissant aller à une lente et implacable déferlante sonore. Cet étrange mélange d’accessibilité et d’intransigeance sonore est à la fois captivant et terrifiant.

Le propos lyrique ne se borne pas au nihilisme, mais plonge dans l’angoisse existentielle: un « désir insatiable pour le néant » qui ronge chaque respiration ( « Collapse »). « Beseech » évoque la chute des rêves brisés et dépeint des ombres qui se nourrissent de l’agonie du soleil. Les mélodies, voire les anti-mélodies, tordues et obscures, sont une véritable mosaïque de sentiments contradictoires.

« Collapse Of Pattern, Reverence Of Dust » n’est pas un album pour les âmes sensibles. Il se présente comme une vision apocalyptique de la désintégration humaine, mais cette vision mordante et réaliste s’avère fascinante, comparable à un compte à rebours implacable vers l’extinction. On y retrouve la force rugissante du métal extrême à laquelle s’allient des nuances de post-punk, un alliage qui bouscule les codes tout en exaltant l’énergie de ce désespoir nécessaire.