Avis – Que les ponts que nous brûlons éclairent le chemin

Omnium Gatherum : Quand les ponts incendiés illuminent le chemin du metal mélodique

Dans le paysage du metal scandinave, peu de formations incarnent avec autant de fidélité et d’élégance le death metal mélodique que les Finlandais d’Omnium Gatherum. Depuis près de 30 ans, ce groupe originaire de Hyllykallio défie le temps, préservant l’essence pure de ce sous-genre tout en l’enrichissant d’une sophistication rare. Fondé par le guitariste Markus Vanhala, qui est aujourd’hui le dernier survivant de la line-up originelle responsable de l’album d’entrée Spirits and August Light en 2003, Omnium Gatherum continue d’explorer les mêmes fondations sonores, mais avec une maturité et une audace qui les propulsent au sommet. Leur dixième opus, May The Bridges We Burn Light The Way, sorti récemment, en est la preuve irréfutable : un album qui réaffirme que le melo-death n’a rien perdu de sa puissance viscérale, surtout entre les mains d’artisans aussi talentueux.

Si des géants comme In Flames ou Dark Tranquillity peinent parfois à retrouver l’authenticité brute de leurs débuts, Omnium Gatherum, eux, s’y accrochent avec une conviction inébranlable. Vanhala, véritable architecte sonore, excelle dans l’art de fusionner des mélodies expansives, imprégnées de la douceur envoûtante de l’AOR des années 80, avec les growls rauques de Jukka Pelkonen et une instrumentation death metal impitoyable. Cette signature, qui définit le groupe depuis ses origines, est omniprésente sur cet album, mais elle s’ouvre à des horizons plus progressifs et innovants. Loin d’être une redite nostalgique, May The Bridges We Burn Light The Way est une explosion d’énergie fraîche, où la brutalité rencontre une créativité subtile, comme un feu d’artifice méticuleusement orchestré.

L’ouverture éponyme pose les bases avec une maîtrise exemplaire : des lignes de guitare en spirale, soutenues par une section rythmique rugueuse et précise, et des touches de claviers futuristes qui évoquent un voyage cosmique. C’est le tremplin idéal pour « My Pain », qui frappe comme un uppercut mélodique. Ce titre capture l’essence du groupe : une tension palpable entre sauvagerie et beauté, portée par des riffs étincelants, des harmonies vocales fluides et une aura prog-metal contemporaine. Les soli de Vanhala y sont divins, ajoutant une couche de commercialité inattendue qui rend l’ensemble irrésistible. Omnium Gatherum n’est pas novice en la matière – leurs précédents The Burning Cold (2018) et Origin (2021) avaient déjà frôlé la perfection – mais cet album en est l’apothéose, un pas de plus vers une excellence cristalline.

Parmi les joyaux de cette tracklist, « Last Hero » se distingue par son accroche infernale, flirtant avec le power metal tout en déchaînant une fureur death qui en fait un hymne absolu. C’est un morceau qui pulse d’une intelligence discrète, un vrai régal pour les amateurs de riffs assassins. Puis vient « The Darkest City », une épopée de sept minutes qui étire une idée musicale affûtée en un paysage cinématographique grandiose. Moitié déchiqueteur melo-death, moitié rêverie progressive, il place Pelkonen au cœur d’une tempête où son rugissement divin ébranle tout sur son passage.

Le reste de l’album déploie une gamme de variations enflammées sur ces ingrédients phares. « Walking Ghost Phase », déjà sorti en single, brille par sa pureté : des progressions d’accords inébranlables et des figures de guitare euphoriques, ancrées dans un riffing metal classique, avec des twists qui témoignent d’une maîtrise holistique. « Ignite The Flame » accélère le tempo à un rythme effréné, élargissant l’horizon avec une vision panoramique. « Streets Of Rage » condense quatre minutes de riffs massifs et de hooks imparables, tandis que « Barricades » offre une tornade positive et aigre-douce, saupoudrée de délicatesses prog et d’une virtuosité death réconfortante. L’album se clôt sur « Road Closed Ahead », le plus sombre et mélancolique des chapitres, avec des résonances gothiques subtiles qui flottent sur des riffs impeccables et une ambiance éthérée, suggérant des préoccupations plus métaphysiques.

May The Bridges We Burn Light The Way confirme sans conteste qu’Omnium Gatherum règne en maîtres sur le melodic death metal contemporain. À une époque où le genre risque parfois la redondance, ces Finlandais opèrent à un niveau supérieur, transformant la tradition en une aventure vivifiante. Pour les fans de metal qui cherchent encore de l’émotion brute et de l’innovation, cet album est une lumière dans l’obscurité – un pont vers l’avenir, même s’il faut parfois tout brûler derrière soi. Écoutez-le, et laissez-vous emporter par cette flamme éternelle.

(Pour une immersion immédiate, découvrez le clip officiel de l’album sur YouTube : lien vers la vidéo)