Rosalía transcende la pop avec Lux

Avec Lux, l’album le plus osé de la chanteuse catalane Rosalía, elle fusionne opéra, flamenco et sons électroniques dans une œuvre imposante. Entre tumultes intérieurs et invocations spirituelles, cette exploration introspective réinvente radicalement la pop d’aujourd’hui.

Il y a peu, lors d’une diffusion en direct sur TikTok, Rosalía s’est immortalisée au volant de son véhicule, fonçant à vive allure dans les artères de Madrid, les haut-parleurs déversant à fond Les Noces de Figaro de Mozart. Une séquence ordinaire en apparence, qui capture pourtant l’âme même de Lux : l’entremêlement du divin et du quotidien, du raffinement classique et du désordre effréné.

Pour être précis, Lux se distingue radicalement de tout ce qui existe dans le paysage musical contemporain. C’est une création qui porte indéniablement la marque de Rosalía. L’artiste catalane, déjà acclamée pour sa vision innovante dans des projets comme El Mal Querer et Motomami, élève ici son expression créative à des niveaux inexplorés. Cet opus distille des époques entières de musique — de Bach à Björk — pour forger une toile totale, où opéra, baroque, électronique et pop s’entrelacent avec une audace libératrice.

À sa parution, l’album a vite enflammé les discussions et les polémiques. Le titre inaugural, « Berghain », un vortex baroque animé par un orgue imposant, un chœur théâtral et les participations de Björk et Yves Tumor, a choqué les traditionalistes. Trop « excentrique », ont reproché les défenseurs intransigeants de la musique classique. Pourtant, Rosalía n’a jamais adhéré aux conventions rigides. Issue du conservatoire barcelonais (ESMUC), elle excelle dans Chopin comme dans Ella Fitzgerald, tout en rejetant les frontières établies. Elle opte pour un Mozart revisité en mode audacieux, un Bach imprégné d’une énergie rebelle : provocante, brillante et imprévisible.

Lux se déploie en quatre parties, évoquant une symphonie personnelle où Rosalía navigue entre le monde matériel et l’élévation céleste. Le premier mouvement, « Sexo, Violencia y Llantas », pose les bases : un piano chargé d’émotion, une invocation charnelle — « Quel délice de flotter entre ces deux realms / J’aimerai d’abord la terre, ensuite le ciel. »

Dans « Reliquia », bercée de cordes majestueuses, elle liste ses manques — la croyance, un éclat de joie, une amitié perdue — pour aboutir à cette réflexion : « Mon cœur n’a jamais été mien / Je l’offre à qui en a besoin / Prends-en une part, conserve-la pour l’après-moi. »

« Focu ’Ranni » exprime la rage et le désenchantement, laissant entrevoir une séparation, un lien brisé. « Je n’appartiendrai qu’à moi et à ma liberté », proclame-t-elle, comme un cri d’indépendance. Sur « La Perla », en duo avec Yahritza, elle dépeint un homme égocentrique et volage — un « saboteur affectif, destructeur de cœurs universel ».

Le point culminant demeure « Divinize ». Soutenue par un orchestre en fusion, Rosalía passe du catalan à l’anglais : « Frappe-moi, j’engloutirai mon orgueil / Je sais que je suis née pour m’élever au divin. » C’est le nexus de tout : la souffrance, l’ascension, l’esthétique pure.

L’album se clôt sur une expiration : « Je descends des astres, mais ce soir je retourne à la poussière pour y remonter. » La voix, nimbée d’un voile subtil, s’estompe en douceur. Fin du spectacle. Lux s’efface, abandonnant l’auditeur dans un vide résonnant — celui des chefs-d’œuvre intemporels.