The Devil Wears Prada – Flowers
Pour célébrer ses vingt ans d’existence, The Devil Wears Prada opte pour une réinvention audacieuse, loin d’un simple recueil de succès ou d’un retour en arrière sentimental. Trois ans après la sortie de Color Decay en 2022, le groupe propose Flowers, un neuvième opus profondément introspectif, aux accents presque libérateurs. Le départ du bassiste Mason Nagy à l’été 2025 accentue cette notion de transition, déjà évoquée par la publication précoce du single “Ritual” en 2024. « Flowers représente vingt années d’errance », explique Jeremy DePoyster. Un périple marqué par l’épuisement, une clarté nouvelle et une sagesse forgée par les épreuves du temps. Le sextette scrute son histoire, ses vulnérabilités et ses recoins obscurs, en faisant la base de sa création. La spontanéité prime sur la prouesse technique, et la sensibilité humaine sur la fureur brute.
Jonathan Gering, l’architecte de cette métamorphose
Le moteur clé de cette transformation est Jonathan Gering, dont le travail de production s’avère décisif. Les synthétiseurs enveloppent les compositions, la voix claire gagne en profondeur affective, et la montée en tension repose plus sur les contrastes rythmiques que sur des riffs agressifs. Cela n’implique pas un abandon des racines du groupe : un morceau comme “All Out” démontre avec force ce que TDWP sait encore faire quand il frappe fort. Pourtant, la brutalité n’occupe plus le cœur de l’ensemble – elle se mue en point d’impact, en touche expressive.
Cette nouvelle harmonie permet à l’album de s’épanouir différemment : à travers des instants de fragilité (“So Low”, “The Sky Behind The Rain”), des refrains expansifs (“Everybody Knows”), ou des échanges vocaux d’une grande expressivité (“For You”). L’ensemble dessine un univers fluide, où chaque piste contribue à une ambiance d’ensemble plutôt que de viser une domination solitaire.
Un parcours intérieur fluide
Au-delà d’une simple collection de chansons, Flowers trace un chemin émotionnel continu. L’album alterne entre élans rayonnants et phases de repli contemplatif, comme un balancier entre les idéaux qu’on poursuit et les vérités qu’on accepte. Les séquences plus rugueuses, comme “All Out”, symbolisent les fractures, les réactions impulsives et les explosions de colère. En contrepoint, des titres tels que “The Sky Behind The Rain” ou “When You’re Gone” ouvrent des espaces de calme, où le groupe révèle une sensibilité peu explorée auparavant.
Tout au long du disque, un fil rouge domine : la quête de renouveau. “Ritual”, pilier de cette phase renouvelée, capture au mieux cette aspiration à rompre les habitudes et à redéfinir l’essence du groupe. Plus avant, le trio “The Silence” / “Eyes” / “Cure Me” plonge dans une dimension plus crispée, presque agitée, avant que “Wave” et “My Paradise” n’apportent une résolution apaisée, évoquant une forme de paix intérieure.
TDWP, sans fard ni concessions
Sans invités extérieurs ni détours, The Devil Wears Prada se met à nu. Le groupe assume ses brisures et ses marques du passé, ses incertitudes et ses rages contenues. L’angoisse, l’isolement et la recherche de signification ne servent pas ici de faire-valoir à une morosité gratuite, mais sont traités avec une authenticité émouvante, portée par une musicalité chaleureuse. Flowers n’est pas une œuvre de clash radical : c’est un passage obligé, une mue volontaire. Moins obsédé par les cassures rythmiques, plus axé sur la composition, il témoigne d’une intention affirmée : narrer, au lieu de seulement cogner.
Les fans intransigeants pourraient déplorer l’absence de la férocité pure de Dead Throne (2011) ou de la rudesse de Transit Blues (2016). Les autres y verront une création authentique, empreinte d’humanité, et sans doute la plus accomplie depuis des années. Avec Flowers, The Devil Wears Prada honore son héritage sans y rester figé. Un opus franc, adulte, magnifiquement réalisé : un itinéraire personnel, imparfait mais indispensable.
Informations
Label : Solid State Records
Date de sortie : 14/11/2025
Site web : tdwpband.com
