Sortilège – Le Poids de l’âme

L’édition revisitée du documentaire emblématique des Beatles est accompagnée d’un album enrichi de 191 pistes, intégrant le triple vinyle Anthology 4.

Pour les passionnés du groupe, il est indispensable d’écouter cette version inédite de « Baby You’re a Rich Man », tirée de la remarquable Anthology 4. Il s’agit d’une session de six minutes enregistrée en mai 1967 à Abbey Road, jamais révélée auparavant, capturant les membres au cœur de leur travail. John Lennon s’adresse à leur roadie de confiance, Mal Evans : « On aimerait des Cokes, Mal ». Paul McCartney enchaîne : « Et si tu as de la résine de cannabis, ce serait top ! ». John approuve : « Ouais, si tu en as, envoie-le ! ».

Conscient que les enregistrements roulent, ils n’y prêtent guère attention. Paul ironise : « On enregistre ça pour la Haute Cour demain » – une allusion à l’affaire judiciaire récente de Mick Jagger et Keith Richards pour possession de drogue. John lance alors : « Parfait, passons au rhythm and soul londonien ! » avant de plonger dans la chanson.

Anthology 4 représente un trésor pour les admirateurs. Cet album sert de bande-son à la mouture remaniée et étendue du documentaire Anthology, qui fera son retour sur Disney+ le 26 novembre. Cette version restaurée propose un épisode supplémentaire inédit et poignant, axé sur les retrouvailles des trois Beatles restants en 1994 et 1995.

Giles Martin, fils du légendaire producteur George Martin, a supervisé la remasterisation des enregistrements des années 90 et la conception de ce nouvel Anthology 4. L’ensemble de la série totalise 191 morceaux, accessibles en téléchargement, streaming ou via des éditions collector. Anthology 4 regorge de 13 sessions inédites, pour la plupart issues de la période 1964-1965, où l’on surprend le groupe en pleine création sur des classiques comme « Tell Me Why » ou « Nowhere Man ».

Au centre de cet opus se trouvent des découvertes fascinantes. Une version primitive de « In My Life » met en lumière John en phase d’exploration, épaulé par les harmonies de Paul et la rythmique de Ringo. « I’ve Just Seen A Face » déborde d’humour, avec John taquinant le père du skiffle, Lonnie Donegan. Une interprétation préliminaire touchante de « This Boy » révèle un cri poignant de John : « Oh myyyyy », chargé d’émotion brute.

L’un des temps forts est la piste sous-estimée « I Need You » signée George Harrison, plus vive et tendue que l’enregistrement définitif, imprégnée d’une vitalité à la Buddy Holly. Le pic émotionnel culmine avec « If I Fell », capturée en février 1964, peu après leur triomphe aux États-Unis. John y déploie une intensité laser sur sa mélodie, sa voix d’une gravité absolue, sublimée par les chœurs de Paul.

Le tout s’achève sur « Now and Then », la démo de John que les autres ont tenté de finaliser en 1994 avant de la laisser de côté, pour la publier en 2023. Dans l’épisode inédit du documentaire, George Harrison partage une histoire amusante sur leurs sessions nocturnes : pour retenir l’équipe technique après 17h30, Mal Evans leur offrait du thé… mélangé à des amphétamines. « On peut partir maintenant ? Non, pas question, bande de fripouilles – buvez une tasse de thé », se remémore George.

L’ensemble de la série Anthology pulse de cette énergie créative bouillonnante. Comme le confie Paul, sous les railleries de Ringo et George sur son autorité en studio : « J’étais le plus acharné au travail. J’adore les Beatles. C’est ce qui me passionne dans l’existence, produire cette musique ».