Avis – Le Prince Rêveur en Extase

LAMP OF MURMUUR : « The Dreaming Prince in Ecstasy », une odyssée symphonique dans les abysses du black metal

Dans les recoins obscurs du black metal contemporain, une figure énigmatique émerge avec une régularité implacable : M., le cerveau derrière LAMP OF MURMUUR. Originaire de Los Angeles, ce musicien solitaire a débarqué en 2019 comme un météore, balayant la scène underground avec une série de démos qui posaient les bases d’un projet audacieux. Loin du black metal brut et minimaliste qui domine souvent le genre, son son se distinguait déjà par une richesse inattendue, un mélange primitif et instinctif qui honorait les racines les plus archaïques du black tout en osant des explorations plus vastes.

Les albums qui ont suivi ont rapidement conquis les aficionados de l’underground. Le premier opus, Heir of Ecliptical Romanticism, a posé les fondations romantiques et tourmentées, suivi de près par Submission and Slavery, une suite encore plus aboutie et vorace. Puis vint Saturnian Bloodstorm, qui a scellé la réputation de LAMP OF MURMUUR comme une force sérieuse et inévitable. Les puristes du genre pouvaient y déceler des échos fugaces d’Immortal dans les riffs acérés, mais M. a su forger une identité unique, atmosphérique et évolutive, liée aux géants du black metal norvégien sans jamais les singer servilement.

Avec The Dreaming Prince in Ecstasy, LAMP OF MURMUUR opère une mutation majeure, élargissant encore son spectre pour embrasser la grandeur symphonique qui a marqué l’histoire du genre. Inspiré par l’héritage glacial d’In the Nightside Eclipse d’Emperor ou le Stormblåst originel de Dimmu Borgir, cet album injecte une dimension orchestrale et majestueuse, sans pour autant verser dans la copie. C’est une déclaration de guerre ambitieuse, peut-être le dernier grand cri de ralliement avant que M. ne soit tenté par les sirènes d’un label majeur. Ici, le black metal ne se contente plus de hurler sa fureur ; il danse avec des ombres gothiques et des mélodies envoûtantes.

L’attrait principal de LAMP OF MURMUUR réside dans sa capacité à tisser des fils disparates en une toile cohérente. Les influences post-punk, déjà perceptibles sur les précédents disques, persistent et s’affinent, mais l’album adopte une approche holistique, évitant les collages maladroits au profit d’une fusion organique. Prenez « Forest of Hallucinations » ou « Reincarnation of a Witch » : des riffs écorchés et épiques, une atmosphère glaciale et menaçante, des vocaux bestiaux et agonisants… Pourtant, le résultat est d’une fraîcheur déconcertante, comme si M. avait déconstruit et reconstruit son univers sonores de zéro, depuis les studios ensoleillés de Los Angeles.

Le sommet de l’album se trouve dans la trilogie éponyme, « The Dreaming Prince in Ecstasy », qui représente à la fois l’œuvre la plus accessible de M. et sa volonté farouche de se démarquer de la médiocrité ambiante. La « Part 1 – Moondance » puise dans le black metal symphonique norvégien, avec un cœur mid-tempo gothique à l’extrême, aussi mélodique que frénétique. La « Part 2 – Twilight Orgasm » creuse le sillon post-punk, évoquant les Fields of the Nephilim dans leurs moments les plus pinkfloydiens : des passages hantés, un rythme glaciaire et retenu, sublimés par des vocaux clairs qui polissent des abysses mélodiques opaques. Enfin, la « Part 3 – The Fall » s’abandonne à un tourbillon symphonique orné, où les guitares tempétueuses cachent des surprises mélodiques, rehaussées de touches de clavecin squelettique. L’ensemble sonne immense, propulse la personnalité établie de LAMP OF MURMUUR vers des sommets d’efficacité.

L’album se clôt sur « A Brute Angel’s Sorrow », un coda néofolk sombre et mélancolique qui laisse entrevoir des horizons futurs, au-delà des frontières du black metal pur. Parmi les autres joyaux, « The Fires of Seduction » allume la mèche avec une séduction ardente, « Hategate (The Dream-Master’s Realm) » explore les royaumes oniriques d’un maître des rêves haineux, et « Angelic Vortex » aspire dans un vortex angélique tourbillonnant.

Le black metal regorge de projets solo, mais peu atteignent une telle exhaustivité créative. The Dreaming Prince in Ecstasy est un saut vertigineux dans l’inconnu exaltant, où LAMP OF MURMUUR grandit de manière exponentielle sous nos oreilles. Que M. aspire vraiment à conquérir les charts reste un mystère, mais sa musique exige un public bien plus vaste que les fidèles de l’underground, qui sont déjà conquis et en redemandent.

Pour plonger dans cet univers, écoutez le single via ce lien YouTube. Une œuvre qui brûle et envoûte, prête à illuminer les ténèbres.