Kadavar – Kids Abandoning Destiny Among Vanity And Ruin
Vous ignoriez que Kadavar signifiait Kids Abandoning Destiny Among Vanity And Ruin ? Nous non plus, à vrai dire. Ce dernier opus arrive comme une suite immédiate à l’audacieux mais mal compris I Just Want To Be A Sound, publié il y a à peine six mois. Avec un intervalle si court, on imaginait une continuité évidente. Or, il en va autrement.
Le groove berlinois
Dès l’ouverture, Christoph “Tiger” Bartelt (batterie) assène quatre kicks puissants, comme des avertissements tonitruants, avant de laisser place à l’introduction infernale de “Lies”. La guitare est épaisse, imprégnée de fuzz qui dégouline, tandis que les tempos s’allongent sur la densité des riffs. L’ombre de Black Sabbath plane, et un sourire surgit aussitôt. Le trio n’a jamais eu un son aussi massif. Les fans de leur premier disque éponyme peuvent souffler de soulagement : Kadavar replonge dans l’occult rock !
Pas tout à fait, toutefois. Après cette entrée en matière accrocheuse, les Allemands révèlent un autre visage. Le reste de la première face distille un psych rock acidulé teinté d’échos des années 60. “Heartache” s’intégrerait sans mal à une version contemporaine de la mythique compilation Nuggets. “Explosions In The Sky” n’hésite pas à taquiner les Beatles, oscillant entre “Helter Skelter” et “Paperback Writer”.
L’insolent “Stick It” boucle cette première partie avec panache. Hybride de pub rock, heavy psych, pop et krautrock, ce morceau est un pur régal. Un effet surprise revigorant, marqué par son énergie et sa spontanéité. Quel bonheur d’entendre Christoph “Lupus” Lindemann s’épanouir ainsi sur son terrain. “Stick it where the sun don’t shine”.
Les fripons
La seconde face inverse la tendance et démarre sur “You Me Apocalypse”. Toujours imprégné d’un vintage assumé, le titre convoque les fantômes de Cream et des 13th Floor Elevators. Les réverbérations saturent et vibrent, presque palpables. L’enregistrement analogique sur bande directe, choix audacieux, paie ici pleinement quand il est si bien exécuté.
On sait que les enfants soudent les liens familiaux, comme des passerelles vivantes entre générations. C’est précisément le rôle de “The Children”, le morceau suivant. Sur le plan lyrique, Kadavar célèbre les joies de l’enfance et du “jeu libre”. Un univers où ramper est permis, où l’échec est ordinaire, et où la curiosité domine. Une vision qui colle à un groupe adepte des expériences folles, depuis The Isolation Tapes (2020). Musicalement, le titre suit la veine psychédélique de l’album, avant de virer à un break massif, balayé par un fuzz déchaîné. Paradoxalement, ce plaidoyer pour la créativité débridée est l’un des plus structurés du lot.
Ras le bol, on repart de zéro
S’inspirant de cette idée d’émancipation, “Total Annihilation” pulvérise les préjugés sur le groupe. Géant du stoner/heavy, il puise dans le krautrock de “K.A.D.A.V.A.R.” pour déverser un flot à la The Sword, avec des relents metal à la King Gizzard & The Lizard Wizard. Sa section centrale, un cocon space rock mid-tempo, glisse vers un solo grandiose qui se termine par un motif rappelant la mélodie phare de I Just Want To Be A Sound. Ironie mordante, Kadavar relie ainsi son opus précédent – critiqué pour ses virages pop – à son climax le plus destructeur. Dernier clin d’œil aux détracteurs, l’album s’achève sur un “Blegh !” et une déflagration comique, comme tirée d’un film Z hilarant.
Conçu comme un renouveau, Kids Abandoning Destiny Among Vanity And Ruin est à la fois fragmenté et introspectif. Dans un paysage rock contemporain foisonnant d’idées neuves, il est ardu de déceler une vraie originalité dans ce revival un peu égaré qui imprègne une large part du disque. Surtout quand les éclats inventifs qui jaillissent sont si délicieux. Comme sur sa couverture, Kadavar se contemple après des années de périples, et s’efforce de recomposer son puzzle identitaire. Le groupe a traversé une tourmente personnelle. Et c’est tout à fait légitime !
Informations
Label : Clouds Hill
Date de sortie : 07/11/2025
Site web : www.kadavar.com
Notre sélection
Total Annihilation
Lies
Stick It
