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Cabin in the Sky : un hommage vibrant et introspectif

Cabin in the Sky marque le retour tant attendu du groupe légendaire de hip-hop De La Soul sur le devant de la scène, après près de dix ans d’absence discographique. Cet opus rend un tribute émouvant à son cofondateur Dave « Trugoy the Dove » Jolicoeur, parti en 2023, transformant le deuil en une célébration créative.

Avec cette sortie, la collection « Legend Has It… » accomplit pleinement sa vocation : sauvegarder l’héritage du passé, honorer l’instant présent et propulser le hip-hop vers de nouveaux horizons. Mass Appeal Records a investi l’année précédente dans cette série dédiée à sept classiques de l’ère dorée du rap. Cependant, les premiers volumes, impliquant des artistes comme Slick Rick, Raekwon ou Mobb Deep, ont souvent laissé un goût d’amertume, ressemblant plus à des échos fanés de triomphes révolus. Cabin in the Sky bouleverse cette dynamique. Paradoxalement, il invite à embrasser l’idée de la finitude, en l’explorant et en la magnifiant au cœur de l’œuvre.

Le rap est riche en hommages personnels à des proches disparus, des rituels comme « Pour Out a Little Liquor » de 2Pac aux introspections de « The Birds Don’t Sing » de Clipse. Les projets entiers consacrés au chagrin sont plus rares : on pense à Care for Me de Saba, marqué par la douleur d’un ami tué par balle. Cabin in the Sky s’inscrit dans cette veine, tout en s’inspirant d’approches transversales, à l’image de Margarine Eclipse de Stereolab, où le groupe d’avant-pop de Chicago affronte la perte tragique de sa membre Mary Hansen en 2002. Là, la voix principale Laetitia Sadier alterne entre pistes fluides et harmonies brisées, murmurant « Margie » comme pour invoquer une présence absente, au fil de seulement quelques morceaux.

De La Soul, avec les survivants Kelvin « Posdnuos » Mercer et Vincent « Maseo » Mason aux commandes, adopte une approche similaire pour saluer Dave « Trugoy the Dove » Jolicoeur. Les titres défilent souvent avec légèreté, avant que Pos n’intervienne soudain pour évoquer son compère ou, sur « A Quick 16 for Mama » en duo avec Killer Mike, pour rendre grâce à sa mère défunte. Le duo semble naviguer entre joie explosive et douleur contenue, transformant le traumatisme en une danse libératrice.

Une création thématique et émouvante

Fidèle à sa tradition, De La Soul enveloppe ses disques dans un récit cohérent. Posdnuos baptise cet album « Saison Neuf », et il débute par une scène scolaire animée par Giancarlo Esposito. Les plus jeunes le reconnaîtront pour ses rôles dans Breaking Bad ou Better Call Saul, tandis que les aînés saisiront l’écho à son interprétation marquante dans School Daze de Spike Lee (1988), un film sur les campus historiquement noirs.

Esposito procède à un appel solennel, énumérant une pléiade de collaborateurs – Nas, Common, Q-Tip, Slick Rick – avant de buter sur « Trugoy », sa voix s’estompant dans un murmure : « Dave ? Dave… ». Premier effort du groupe depuis And the Anonymous Nobody en 2016, Cabin in the Sky dure une heure et dix minutes, évoquant un travail mûri sur près d’une décennie, antérieur même au décès de Trugoy en 2023.

Yukimi Nagano de Little Dragon revisite « Cruel Summer » de Bananarama sur « Cruel Summers Bring FIRE LIFE!! », mais le morceau pivote vite vers une boucle de « Everybody Loves the Sunshine » de Roy Ayers Ubiquity, où Trugoy the Dove apporte son harmonie fugace. Il enchaîne abruptement sur « Day in the Sun (Gettin’ Wit U) », avec Yummy Bingham au refrain, évoquant le duo Roberta Flack et Donny Hathaway sur « Back Together Again ».

Le flow caractéristique et un peu gauche de Pos imprègne l’ensemble : c’est un mélange kitsch et sentimental, parfois bancal, mais d’une authenticité rafraîchissante. Cette vision de quadragénaires s’amusant maladroitement sur des classiques vintage paraît plus vraie que les poses de dur à cuire que Ghostface Killah ressuscite sur Supreme Clientele 2.

« Mayday! Mayday! / Y a ces MCs qui paradent comme si leur règne durait toujours », lâche Posdnuos sur « Palm of His Hands ». Puis, plus grave : « Comment on tient encore debout ? Seule la Providence le sait. »

Entre réminiscences et esprit d’élévation

Les aficionados repéreront les clins d’œil aux débuts du groupe : les airs entraînants, les références au patin à roulettes rétro et les interludes humoristiques avec Jay Pharoah de Saturday Night Live rappellent De La Soul Is Dead. Contrairement à ce pilier de 1991, teinté de moquerie, Cabin in the Sky opte pour une exaltation spirituelle, comme sur « Believe (In Him) ». Pos continue de sermonner les dérives au sein de la communauté afro-américaine, fidèle à son parcours.

« Tellement d’âmes piégées dans le chaos / Un bourdonnement les assourdit / Ce sont les ancêtres qui les appellent / Mais au lieu d’accorder leur vie comme un piano, ils préfèrent le chaos », déclame-t-il sur « EN EFF », un sommet avec Black Thought et DJ Premier.

Autrefois, ces vers jaillissaient avec ironie ou fureur rentrée. Les débats persistent sur « Stakes Is High » (1996) : appel à la renaissance du rap face au gangsta rap stéréotypé, ou sermon élitiste ? Ici, Pos exprime une acceptation sereine. « Vis et laisse la vie suivre son cours, et quand la fin approche / Que je sois entouré de mes enfants / Leur enseigner l’amour mutuel / Et à mon fils, de chérir une femme mieux que je n’ai chéri sa mère », confie-t-il sur le titre éponyme.

Quatre décennies après leurs débuts adolescents sur Long Island, De La Soul maîtrise encore l’art de produire des événements discographiques qui captivent. C’est un talent discret – peu de rappeurs méritent un examen critique systématique à chaque sortie – et le secret de l’attrait de Cabin in the Sky, malgré ses excès pop larmoyants. Le duo excelle à orchestrer les transitions et à entrelacer les thèmes, rendant leurs réflexions sur le deuil et le passage du temps affirmatives plutôt que larmoyantes. L’écriture de Pos, moins acérée qu’autrefois, dépeint avec justesse un artiste noir prudent face à un système où « On vaut des millions sans l’être vraiment / Car les lois du showbiz sont truquées », comme il le note sur « EN EFF », tout en gardant une foi en demain. Dans le paysage du rap des vétérans en pleine expansion, c’est une offrande généreuse.