Trevor Rabin – Rio (2023)
Pays : Afrique du Sud
Style : Rock
Note : 8/10
Date de sortie : 6 Oct 2023
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Je ne sais pas d’où vient Eigenflame, si ce n’est du Brésil. Peut-être viennent-ils de Rio, mais ce qui est clair, c’est que Trevor Rabin n’en est pas un. Il est originaire d’Afrique du Sud, bien qu’il ait déménagé à Londres et à Los Angeles pour poursuivre sa carrière, ce qu’il a fait bien sûr, car il s’agit du même Trevor Rabin qui a passé une douzaine d’années dans le groupe Yes et bien plus encore en tant que compositeur de musiques de films du calibre de Con Air, Armageddon et National Treasure, pour ne citer que trois superproductions. Ses albums solo datent pour la plupart du millénaire précédent, mais il a sorti l’instrumental Jacaranda en 2012, après vingt-trois ans d’absence, et ce sixième album solo arrive onze ans plus tard.
Je ne sais pas pourquoi il s’appelle Rio, mais il est brillant et bombastique comme un carnaval de Rio dès le premier instant, avec Big Mistakes comportant des couches de voix, un solo de guitare étonnamment nerveux et une section la la la pour conclure les choses. C’est définitivement commercial mais ça a aussi du mordant, comme un très joli serpent venimeux. Il fonctionne à merveille en tant qu’ouverture, mais Push ajoute dès le début des morceaux de prog complexes et s’intensifie de manière substantielle. C’est un bijou de morceau, une variété d’instruments dansant dans ce qui semble être des directions différentes mais sonnant toujours fantastiquement bien ensemble. C’est un chef-d’œuvre de chorégraphie d’arrangement.
Malgré toute sa flamboyance instrumentale, Push est une chanson dont les paroles sont prononcées par une voix et Oklahoma tient à le souligner, l’instrumentation étant toujours un peu complexe mais servant surtout à construire ces voix jusqu’à ce que le solo de guitare puisse prendre son envol. L’instrumentation est toujours un peu complexe mais sert surtout à construire le chant jusqu’à ce que le solo de guitare prenne son envol. On s’envole avec lui jusqu’à ce qu’on se rende compte de tout ce qui se passe en dessous et qu’on commence à y prêter attention. Je ne sais pas depuis combien de temps Rabin travaille sur cet album, mais on a l’impression qu’il a bénéficié de beaucoup de temps et d’attention.
La plupart de ce travail a été effectué par Rabin, non seulement parce qu’il est l’auteur des chansons, mais aussi parce qu’il joue une majorité impressionnante d’instruments. C’est lui qui s’occupe de la guitare et de la basse, ainsi que des claviers. Il chante le chant principal tout au long de l’album et ajoute des chœurs sur tous les morceaux sauf un. Il fournit la batterie et les percussions pour quatre morceaux, avec Lou Molino pour quatre autres et Vinnie Colaiuta pour un autre. Il ajoute la mandoline sur trois de ces chansons et le banjo et le dobro sur deux. Il ne reste plus que le violon de Charlie Bisharat sur Push et les chœurs de Dante Marchi et Liz Constantine sur quelques titres.
Beaucoup de ces morceaux évoluent de la sorte, car Rabin travaille à partir d’un canevas très large. Le son de base est pop/rock avec un gros côté prog, mais il prend un certain nombre de directions musicales sur cet album, souvent à l’encontre de nos attentes. Paradise, par exemple, commence comme un morceau country mais évolue vers une harmonie vocale, avec les deux choristes à bord. Goodbye est un bon vieux hoedown de country rock. Tumbleweed commence presque comme les Beach Boys, entièrement vocal (bien qu’avec des effets) pendant plus d’une minute. These Tears est un grand balayage à la Pink Floyd. Il y a beaucoup de Paul Simon sur Egoli, une chanson qui n’aurait pas sa place sur son album Graceland. Et Toxic se termine par un blues déchiqueté qui se transforme à nouveau en quelque chose d’autre.
On pourrait s’attendre à ce que tous ces admirables sauts de genre rendent l’album un peu incohérent, mais il n’y a pas grand-chose qui cloche. La plupart du temps, on a l’impression que Rabin explore de nombreux territoires musicaux, mais qu’il les ramène à un son central cohérent, chaque départ ajoutant un petit quelque chose avant qu’il ne les ramène au noyau. Seuls peut-être Goodbye et Egoli restent vraiment ailleurs et j’appellerais ce dernier un point fort, avec Push et Paradise, trois chansons très différentes à mettre dans le même sac.
Et le résultat global est fort. C’est guilleret et persistant, et ça vous prend aux tripes. Chaque fois que l’on pense qu’il pourrait s’installer dans quelque chose de doux et d’AOR, il fait quelque chose d’inattendu et soudain, on se retrouve à nouveau en territoire prog et on se demande pourquoi on a pensé qu’il pourrait s’installer. Il n’a aucun intérêt à le faire. C’est Rabin qui s’amuse selon ses propres termes et qui produit quelque chose d’étonnamment commercial pour un album aussi polyvalent. J’ai des favoris clairs, sinon des moins favoris clairs, mais je pense que c’est un 8/10 sûr. Après trois écoutes, l’album est aussi fort qu’au début et aussi coloré que sa pochette.