Chroniques

Crown Lands – Fearless (2023)

Pays : Canada
Style : Rock dur/progressif
Note : 8/10
Date de sortie : 31 Mar 2023
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Voici un album savoureux d’un groupe dont je viens à peine d’entendre parler. Il s’agit de Crown Lands, d’Oshawa dans l’Ontario, au Canada, et ils ne sont que deux. D’après ce que j’ai compris, Cody Bowles est à la fois le chanteur et le batteur, tandis que Kevin Comeau s’occupe de tout le reste. Je déteste mettre l’accent sur le sexe et l’origine ethnique parce que c’est la musique qui devrait toujours compter le plus, mais ils le font eux-mêmes et je suppose que leur parcours non traditionnel en matière de musique rock correspond à mon objectif de faire délibérément la critique de groupes qui ne sont pas les quatre blancs habituels de Londres ou de New York, alors je précise que Bowles est un Mi’kmaq bi-spirituel et que Comeau est juif.

Cependant, je n’entends aucune de ces origines dans la musique, à l’exception de quelques moments ici et là qui semblent influencés par l’Amérique du Nord, comme la section de flûte sur le morceau d’ouverture, alors je vais passer à autre chose. Ce que j’ai immédiatement et catégoriquement entendu, c’est le Rush des années soixante-dix, à l’époque où ils composaient des morceaux épiques inspirés de la science-fiction, avec de vastes accords de puissance et des sections hautement progressives qui devenaient des hymnes d’opéra rock. J’ai également entendu les voix aiguës de Bowles, qui ne sont pas aussi nettes que celles de Geddy Lee, mais qui font à peu près le même travail.

En bref, j’ai entendu 2112 et cette impression a été rapidement doublée car l’album s’ouvre sur une épopée de dix-huit minutes, Starlifter : Fearless Pt. II, un choix étrange non seulement en raison de sa longueur mais aussi parce que Context : Fearless Pt. I arrive quatre titres plus tard, suggérant que j’écoute l’album dans le désordre. Comme 2112, l’album est divisé en mouvements faciles à délimiter, potentiellement neuf d’entre eux, dont deux sont instrumentaux, ce qui donne l’impression que différentes chansons se combinent pour raconter une histoire.

Il s’agit également d’un point fort évident, tout comme le dernier morceau, Citadel, qui pourrait bien être le classique le plus facile à interpréter de l’album. On a l’impression qu’il s’agit d’un vieux morceau, même à la première écoute, comme si on avait grandi en l’écoutant, mais que quelques décennies s’étaient écoulées depuis la dernière fois et qu’on le ressortait pour se rappeler à quel point il était bon. On retrouve un peu de ce sentiment sur le morceau d’ouverture, mais moins ; c’est surtout dans les accords rythmiques que se construisent les sections. C’est un morceau tellement riche qu’il est facile de s’y laisser prendre. Je me demande si, dans les années à venir, on se souviendra davantage de quelques passages que de l’ensemble, mais je pense que non.

Entre ces deux morceaux d’anthologie, il y a une demi-douzaine d’autres titres qui restent dans leur ombre, mais qui n’en sont pas moins bons pour autant. Dreamer of the Dawn a la lourde tâche de suivre Starlifter et il est juste de dire qu’il souffre de cette position, mais qu’il parvient également à se distinguer par un flux différent. De même, Reflections se perd entre Context : Fearless Pt. I, qui est correct mais pas à la hauteur de sa deuxième partie, et Penny, qu’il est impossible de rater. Tout ce qui est proposé est une sorte d’hybride de hard/progressive rock, mais il s’agit d’un interlude de guitare acoustique en solo, avec plus de temps et de complexité que ce à quoi on pourrait s’attendre. Cela ressemble plus à un album de John Fahey qu’à un album de Rush, mais c’est magnifique, luxuriant et évocateur.

Parmi les autres chansons, je citerais The Shadow et Lady of the Lake, ainsi que Penny, comme points forts. La première est un peu bizarre parce que Bowles ne cherche pas autant à atteindre une hauteur de voix élevée, ce qui finit par changer l’atmosphère de la chanson. Il atteint par moments les hauteurs de Geddy Lee, ce qui fait que Rush n’est jamais loin, mais le registre qu’il utilise pendant la plus grande partie de la chanson le ramène à une sorte d’ambiance Fastway, très différente en effet. Le phrasé de Lady of the Lake, en revanche, le fait ressembler à Ozzy essayant de chanter Geddy, mais sans l’accent de Birmingham. Bowles reste lui aussi très clair.

Dans l’ensemble, c’est un bon album, peut-être un grand album, mais je pense qu’il y en a un meilleur en eux. C’est leur deuxième, après un premier album éponyme en 2020, que je n’avais absolument pas remarqué, et j’attends avec impatience leur troisième et, si Rush doit être le modèle permanent, leur quatrième, car c’est à ce moment-là que 2112 est apparu. Si nous comparons, ce serait leur Fly by Night et ce n’est pas le pire endroit où se trouver. Ce groupe mérite d’être énorme. Voyons s’ils y parviendront.