
I Prevail – Violent Nature
I Prevail, après une ascension fulgurante avec « Trauma » en 2019, se positionne comme un pilier du metalcore moderne. Mais le départ de Brian Burkheiser, pour raisons personnelles, a bouleversé les équilibres. L’alchimie vocale unique qu’il entretenait avec Eric Vanlerberghe était essentielle à l’identité du groupe. Désormais, Vanlerberghe se retrouve seul au micro, devant gérer avec brio le passage entre les cris et le chant clair. « Violent Nature » est donc un album de transition, un témoignage à la fois d’une perte et d’une réinvention.
Produit par Jon Eberhard, l’album se veut plus rugueux : riffs plus imposants, production plus directe, une approche plus visceral. Pourtant, cette volonté de rupture se heurte à un désir de conserver l’attrait mélodique.
Dès l’ouverture avec « Synthetic Soul », l’atmosphère est menaçante, prélude à l’explosion de « NWO », l’un des morceaux les plus violents du groupe. « Violent Nature », et « God », poursuivent dans cette veine, conçus pour sur scène, pour les mosh pits. Le groupe y démontre sa puissance brute, désireux de prouver sa capacité à perdurer sans sa formule initiale.
Cependant, l’album oscille entre ces moments explosifs et des passages plus conventionnels. Des ballades comme « Crimson & Clover », et certaines mélodies (« Pray », « Rain ») manquent de prises de risque, reposant sur des structures déjà éprouvées. Ces moments de sérénité, dans un album qui cherche à se renouveler, semblent parfois artificiels.
Les transitions entre les titres accentuent ce déséquilibre. Le passage d’un morceau agressif comme « Into Hell » à un passage mélancolique peut paraître brusque, comme une juxtaposition forcée plutôt qu’une construction narrative cohérente. Cette tension persistante entre rage assumée et refrain radiophonique nuit à une harmonie globale.
La production, claire et massive, met en lumière chaque instrument, avec une basse percutante et une batterie précise. Les voix de Vanlerberghe, que ce soit des hurlements ou des chants clairs, sont puissantes et justes. Mais cette maîtrise technique, en cherchant l’efficacité, lisse les aspérités. Le résultat est percutant, mais aussi parfois interchangeable.
En conclusion, « Violent Nature » est un album charnière. Il démontre la capacité d’I Prevail à évoluer malgré le départ de Burkheiser, et offre des moments d’une intensité rare. Vanlerberghe s’affirme comme un frontman complet et crédible, et l’album dégage une sincérité certaine. Néanmoins, le groupe peine à rompre totalement avec ses habitudes. Les morceaux les plus puissants ouvrent des perspectives prometteuses, tandis que les passages plus standards rappellent qu’une véritable révolution n’est pas encore actée. La conclusion, « Stay Away », traduit parfaitement cette dualité: une piste audacieuse mais perfectible, un signal annonçant un chemin à parcourir pour atteindre une véritable révolution musicale.