Chroniques

Lee Aaron – Elevate (2022)

Pays : Canada
Style : Pop/Rock
Note : 8/10
Date de sortie : 25 Nov 2022
Sites : Facebook | Instagram | Site officiel | Twitter | Wikipedia | YouTube

Chaque fois que je passe en revue quelques albums d’affilée qui me prennent du temps à apprécier pleinement, je finis par me demander si je ne suis pas submergé par trop de nouveautés et si je ne dois pas prendre un peu de recul pour me remettre à niveau. Mais inévitablement, avant que je ne le fasse, quelque chose comme ça arrive, qui est aussi immédiat que tout ce que j’ai jamais entendu, et bam, je suis à nouveau prêt.

C’est le deuxième album de Lee Aaron que je critique cette année, mais l’autre, Radio On !, est sorti en juillet dernier et je l’ai rattrapé en janvier avant de tirer un trait sur l’année écoulée. Celui-ci est tout nouveau, il a moins de deux semaines à l’heure où j’écris ces lignes, il y a donc seize mois d’intervalle, mais il est rare que des musiciens sortent deux albums aussi rapidement de nos jours. Peut-être que le premier a été retardé à cause de COVID ou peut-être qu’Aaron est en pleine phase de création en ce moment. Quelle que soit la raison, le dernier album était solide et celui-ci est encore meilleur.

J’ai mentionné deux ou trois choses la dernière fois qui sont d’autant plus évidentes ici. La première est l’intonation qu’Aaron apporte à ces chansons, qui pourrait être utilisée comme un manuel. Il n’est pas juste de dire qu’elle se contente de chanter ces chansons, car elle fait bien plus que cela, elle leur donne vie si bien que j’avais l’impression qu’elle était presque prête à traverser mon écran d’ordinateur et à continuer à chanter pour moi depuis le bord de mon bureau. Qu’elle ajoute du fry vocal pour gronder et crooner un rocker comme The Devil U Know ou qu’elle déroule délicatement l’histoire d’une ballade comme Red Dress, elle confère à sa prestation un caractère qui incitera d’autres chanteurs à appeler leur coach vocal pour leur faire part du secret.

D’autre part, il y a beaucoup de textures qui se combinent ici et beaucoup d’entre elles semblent être l’œuvre d’un chanteur de blues qui chante du rock. Pour l’essentiel, il s’agit d’un album pop/rock, la musique se situant fermement du côté rock de cette frontière toujours polarisante, avec quelques orteils plongés dans le blues, mais le son est plein de sensibilité pop, furieusement accrocheur, avec Freak Show en tête sur ce front. Il rappelle souvent le Pat Benatar commercial, mais l’autre influence finit par l’emporter, même sur les numéros les plus légers et les plus pop. Il s’agit des Rolling Stones, dont l’empreinte est présente sur cet album dès le début.

Rock Bottom Revolution est un excellent morceau d’ouverture qui démarre avec un riff simple mais très efficace de Sean Kelly, une ligne de basse encore plus simple et encore plus efficace de Dave Reimer et une voix blues rock insolente d’Aaron. Il y a du blues ici, du rock, du funk, de la pop et du gospel derrière l’éventuelle construction et tout cela finit par ressembler au territoire des Rolling Stones, des Stones commerciaux certes et sans les mêmes tons mais des Stones quand même. Le numéro blues rock Trouble Maker est encore plus évident et d’autres chansons jouent aussi dans ce registre, comme la funky Still Alive et la chanson titre qui clôt l’album.

Ce que j’ai retenu de cet album, c’est que Lee Aaron s’amuse visiblement beaucoup. Elle a passé un certain temps loin du rock, chantant de la pop, du blues et surtout du jazz, et il est clair qu’elle aime aujourd’hui ses chansons plus lâches, où elle et les musiciens qui l’accompagnent peuvent simplement s’amuser en les jouant. Je suis sûr que chaque fois qu’ils jouent ces chansons en concert, ils sont capables d’y apporter quelque chose d’un peu différent qui n’était pas là la veille. Je pourrais même le croire avec Red Dress, qui est une ballade orchestrée. J’ai tendance à redouter les ballades orchestrées et à les ignorer lors des écoutes répétées, mais cette fois-ci, j’étais suspendue à chaque mot.

Il y a une phrase dans The Devil U Know où Aaron grogne « Je vais diriger toute cette foutue ville », et je n’avais aucun doute qu’elle le pensait à ce moment-là, mais pour le reste de cette chanson et pour le reste de cet album, j’ai retiré cette conviction parce qu’elle s’amuse tellement à ne rien diriger qu’elle refuserait une couronne juste pour pouvoir passer à la chanson suivante. Et, bien que l’écriture, la simplicité et la décontraction jouent leur rôle, c’est ce plaisir qui rend cet album si incroyable. C’est contagieux. Le Metal Queen de ma jeunesse me manque peut-être, mais cet album me donne envie de l’écouter encore et encore plutôt que de ressortir les anciens albums de l’étagère. C’est une pêche.