Chroniques

Wizards of Wiznan – No Light Has No Shadow (2023)

Pays : Suisse
Style : Doom/Death Metal mélodique
Note : 8/10
Date de sortie : 29 Sep 2023
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Je voulais chroniquer quelque chose de doomladen cette semaine, mais les premiers albums que j’ai essayés m’ont fait perdre mes moyens ou m’ont fait perdre mes moyens avec des voix de piètre qualité. Après quatre ou cinq tentatives, j’ai trouvé celui-ci, le premier album d’un groupe de doom/death de la petite ville suisse de Nendaz, et il a résolument touché le point sensible pour moi. C’est du funeral doom dès le début, prenant son temps pour bouger mais le faisant de manière constante et atmosphérique, mais il passe la majeure partie de son temps à un rythme un peu plus rapide que celui auquel on peut s’attendre pour du doom/death, s’accélérant par moments, en particulier vers la fin de l’album, mais ne devenant jamais vraiment rapide.

Franchement, j’étais déjà à bord au moment où les voix sont arrivées. Il y a deux voix ici, toutes deux dures, mais l’une plus chaude que l’autre. Je ne suis pas sûr de savoir laquelle est laquelle, mais il semble que l’une appartienne au guitariste Marc Dalton et l’autre au bassiste Robin Délèze. Si je ne m’abuse, ils sont là dans la longue intro de Seeds of Light pour ajouter de la texture en tant qu’instruments de musique plutôt qu’en tant que voix. Ils le font certainement même lorsqu’ils chantent, car la texture est un élément essentiel ici, et c’est pourquoi cet album a souvent été inspiré par un obscur pionnier.

Il s’agit de Winds of Sirius, qui vient de Bourg-en-Bresse, de l’autre côté de la frontière française avec la Suisse, donc plus loin dans le temps que dans l’espace, leur seul album datant de 1999. C’est un album auquel je reviens relativement souvent, parce que personne ne fait de la texture comme eux, mais c’est toujours bon d’entendre cette approche dans des groupes plus récents, le plus souvent ceux qui jouent du doom/death mélodique. Ils ne sont pas la seule et unique influence, car j’entends ici Celtic Frost et My Dying Bride, ainsi que des incursions plus larges dans le funeral doom et le stoner rock, et peut-être même un soupçon de Cradle of Filth.

Seeds of Light est une ouverture solide, assez patiente pour durer un peu moins de neuf minutes, ce qui n’est pas inhabituel pour ce groupe. Il n’y a qu’une seule chanson « courte » ici, La sorcière du Vegenand, qui dure moins de cinq minutes, les quatre autres s’étendant de presque huit à plus de neuf minutes. Cela leur semble naturel, car toutes ces chansons errent et évoluent, tombant souvent dans une mélodie lente et douloureuse pour finalement rebondir vers une véhémence ferme. Il y a une merveilleuse allusion à une section rapide à la fin d’Absolute Void, qui est d’autant plus intéressante qu’elle suit une longue section médiane mélancolique.

Absolute Void pourrait bien être ma chanson préférée, mais Feed the Fire en est proche et rien n’en est loin, car la qualité et l’imagination sont constamment élevées. Absolute Void commence avec emphase, lentement mais lourdement et brutalement, suffisamment pour passer à un sludge metal texturé, avant de tomber dans une magnifique section centrale. Même s’il se développe, il maintient un rythme hypnotique qui s’éclaircit soudainement, comme si le brouillard s’était dissipé, et nous nous retrouvons dans cette section thrash aguicheuse, puis dans une série de riffs stoner rock, avant que l’album ne s’achève. C’est une véritable croissance et chaque moment est un bonheur.

Il aurait été difficile d’égaler cet album, mais les Wizards ont fait de leur mieux. Feed the Fire navigue dans le stoner rock dès le début et y reste un moment, mais s’enfonce finalement dans le doom, en y ajoutant un peu plus de sludge par la suite. La sorcière du Vegenand augmente le tempo, commençant plus vite que n’importe quelle autre chanson, à l’exception du bref moment dans Absolute Void. C’est loin d’être rapide, c’est juste un pas en avant par rapport à tout le reste, surtout au début. Reign, le morceau le plus long de l’album, a aussi son énergie pour conclure, et il n’est pas du tout trop long.

S’il n’est pas difficile pour moi de choisir un morceau préféré, il est plus difficile de choisir un aspect. Aucun des quatre musiciens ne fait autre chose que de construire un son de groupe cohérent. Personne n’essaie de voler la vedette ou de montrer ce qu’il sait faire. J’aime le jeu de batterie régulier et solide de Ludovic Bornet et la façon dont les autres instruments se joignent souvent à lui pour donner le rythme, même les guitares. J’aime la basse de Délèze, qui a droit à un moment de gloire en solo, et j’aime son chant et celui de Dalton, qui marchent sur la fine ligne de démarcation entre dureté et mélodie. Rares sont les chanteurs de harsh qui parviennent à respecter l’intonation. Ces gars-là l’ont fait.

A la fin de la journée, quand le doom/death a le plus de puissance, ce sont les guitares que j’encenserais le plus, parce qu’elles sont parfaites dans toutes les tonalités qu’elles visent. Elles fonctionnent parfaitement dans les riffs lourds, gardant le poids de cette musique autour de nous comme une grotte, et elles fonctionnent encore mieux dans une sorte de mode d’émulation de carillon, se répercutant à travers cette grotte. Bravo à Dalton et Adrien Bornet, mais surtout à toutes les personnes impliquées dans la création d’une texture aussi glorieuse. Je ne sais pas où se trouve Wiznan, mais je peux croire que ces gars sont des sorciers et j’attends avec impatience ce qu’ils vont nous concocter.