Chroniques

Dirty Deep – Trompe l’œil (2023)

Pays : France
Style : Blues Rock
Note : 7/10
Date de sortie : 7 Apr 2023
Sites : Bandcamp | Facebook YouTube

Il serait facile de qualifier Dirty Deep de groupe de blues rock, comme je l’ai d’ailleurs fait plus haut, mais ce cinquième album est magnifiquement polyvalent et, bien qu’il soit construit sur le blues, il s’aventure aussi dans beaucoup d’autres domaines. Les autres points communs sont la simplicité de l’approche, qui les fait parfois sonner comme un groupe de rock garage enregistrant en une seule prise, et une attitude rude, qui leur confère une touche de punk et d’outlaw country.

Dans ces conditions, je ne sais pas si Broken Bones est un bon morceau d’ouverture ou non. C’est une bonne chanson, mais c’est un teaser de ce qui va suivre plutôt qu’un coup d’éclat pour nous attirer. Elle refuse obstinément d’accélérer le tempo auquel elle pourrait facilement être jouée, mais elle donne un ton savoureux et il y a un harmonica émouvant qui nous supplie de rester dans la course. Elle commence magnifiquement, une voix solo sur des accords si calmes qu’il faut s’étirer pour les entendre, mais qui montent en puissance jusqu’à ce que la chanson explose.

Il y a des chansons au tempo élevé, la plus évidente étant Shoot First, qui s’emballe, comme si un groupe heureux de traîner en troisième vitesse trouvait soudain la vitesse supérieure et, aimant la sensation, la mettait au plancher. C’est du garage rock avec une attitude punk sérieuse, bien qu’il ne perde jamais tout à fait le blues, en particulier avec un autre solo d’harmonica savoureux du guitariste et chanteur principal Victor Sbrovazzo. C’est une chanson à couper le souffle et elle s’impose d’autant plus au cœur de l’album, une septième piste sur quinze, que les deux qui l’entourent.

Avant elle, il y a From Tears, une ballade acoustique, douce, ouverte et embrassante. C’est Dirty Deep qui joue du blues avec une touche de country folklorique. C’est une chanson magnifique et subtile, qui évolue autant grâce à des vagues de ce que je suppose être des claviers faisant le travail des cordes qu’à toute autre chose. Il y a un batteur dans le groupe, Geoffroy Sourp, mais il ne fait rien sur cette chanson, à moins qu’il n’ait aussi une responsabilité derrière les claviers. Le rythme de la chanson vient de la guitare.

Vient ensuite Donoma, le morceau le plus savoureux de l’album, mais aussi le plus subtil. Il faut plus d’une minute pour évoquer une atmosphère avec ce qui ressemble à un violoncelle, puis se transforme sans effort en une sorte de chanson roots progressive à laquelle on ne s’attendrait pas sur un album aussi enfoui dans la simplicité du rock garage, surtout après le blitzkrieg qu’est Shoot First. Pourtant, elle est là et elle brille d’une lumière éclatante, avec beaucoup de gospel à l’intérieur. Il s’agit de trois chansons complètement différentes, mais chacune d’entre elles mérite votre attention car elles sont toutes excellentes.

Bien que je sois très attaché au milieu de cet album, la moitié qui le précède est un cran au-dessus de celle qui le suit, mais je ne les diviserais pas tout à fait comme ça. La première partie contient Juke Joint Preaching, un morceau décontracté dans le style des Black Crowes avec toutes sortes de petites touches qui le vendent plus que le gros morceau. Il y a Don’t Be Cruel, qui suit le même chemin mais qui trouve aussi une ambiance plus douce à mi-chemin avec un saxophone. Il y a le merveilleux interlude instrumental à l’harmonica appelé Hipbreak III, qui laisse présager un changement dans la chanson What Really Matters, où Sbrovazzo rugit ses paroles.

La première face est donc forte, mais la seconde contient Your Name avec un rythme presque reggae, une touche de légèreté comparée à tant de chansons qui ont un semblant de noirceur. Il y a aussi Hold On Me, un rock garage vraiment basique qui met le sang en ébullition. On a l’impression que Sourp n’a qu’une seule batterie sur ce morceau, mais il est particulièrement heureux de la battre à mort juste pour nous. Il y a aussi Waiting for a Train, une brève chanson country qui trouve même de la place pour un yodel, et un final lent et très décontracté dans Medicine Man, mené par une guitare slide parcimonieuse, qui se combine impeccablement avec un harmonica parcimonieux. Cependant, il y a aussi une chanson intitulée Never Too Late qui est juste là, un blues rocker routinier avec des touches alternatives.

Le résultat est un album excellent et sublimement surprenant. Je n’ai jamais entendu Dirty Deep auparavant, mais j’ai bien l’intention de les réécouter. Cela fait un moment qu’ils n’ont pas sorti d’album, bien qu’ils aient traversé les années COVID avec un album de sessions brutes unplugged et un mini-album de reprises bizarres, chacune avec un invité différent. Cinq ans se sont écoulés depuis Tillandsia en 2018, mais les quatre premiers sont arrivés en seulement sept ans. Il ne reste plus qu’à espérer qu’ils reprennent un rythme régulier, avec une admirable polyvalence prête à se déployer dans leurs futurs morceaux.